RĂ©flexions sur la stigmatisation institutionnelle et la maladie de Hansen

par Thauyra Oliveira, Lucas Delboni et PatrĂ­cia Deps

10/08/2020

La maladie de Hansen (MH) est une maladie contagieuse et curable , et qui si diagnostiquée et traitée précocement, empêche le développement d’handicaps physiques (1). C’est un fait connu : les dommages que la stigmatisation, dans ses diverses nuances, apporte à la vie des gens, en particulier des plus vulnérables, s’ajoutent à la négligence du pouvoir public et de la société. Il est, donc, juste d’impliquer divers secteurs pour résoudre la stigmatisation et ses conséquences, en passant du plan de la théorie académique à des faits concrets et des attitudes pratiques dans la société – comme le changement de comportement.

Les préjugés contre les Brésiliens touchés par la MH , mis à l’écart dans les hôpitaux coloniaux au XXe siècle, ont perpétué la difficulté de resocialiser ces personnes liées à la stigmatisation de la maladie (1). Les actions qui ont causé un dégré élevé de limitation des activités de ces personnes , de honte, des problèmes relationnels et de difficultés d’emploi chez les personnes concernées et leurs familles (2). La stigmatisation, en produisant des interactions inconfortables, poursuit le cycle de l’exclusion sociale et économique, entraînant la perte du statut individuel et une vulnérabilité, et peut varier d’un individu à l’autre en fonction du sexe, de l’origine ethnique, de la condition sociale et culturelle, ce qui entraîne une « intersectionnalité de la stigmatisation » (4).

Au fil des ans, il est apparu nécessaire de quantifier objectivement la stigmatisation dont sont victimes les personnes touchées par la MH. Inspirées par d’autres conditions qui sont également porteuses de préjugés et de stigmatisation (VIH, dépendance chimique et maladie psychiatrique), diverses échelles ont été développées pour mensurer non seulement l’étendue de la stigmatisation, mais aussi la participation sociale, caractériser les limitations fonctionnelles et la conscience des risques. L’institutionnalisation de la stigmatisation, à son tour, est un aspect des actions, souvent imperceptibles, perpétrées par les professionnels de santé dans leur routine de travail. Le comportement médical, reproduisant des actes discriminatoires et stéréotypés à l’encontre des personnes touchées de la MH contribue à perpétuer l’exclusion sociale et la vulnérabilité de ce groupe. La relation médecin-patient offre une opportunité d’actions d’inclusion, et la bonne pratique médicale devrait être un outil précieux dans les programmes de lutte contre la MH. Ainsi, le développement d’une échelle pour évaluer et mensurer la stigmatisation liée à la pratique médicale au Brésil est un défi pour les écoles de médecine et les programmes de combat de la MH. C’est une étape supplémentaire importante pour surmonter la négligence et le tabou dans la pratique médicale.

La peur d’être reconnu comme une personne avec la MH peut être liée à la stigmatisation institutionnelle, car la perception d’actions discriminatoires peut être subtile, mais certainement ressentie par l’utilisateur. Cet obstacle a un impact sur le diagnostic précoce, ce qui favorise l’augmentation des cas de handicap. La discrimination à l’encontre des personnes touchées par la MH dans les établissements de santé peut se produire à différents niveaux et à différents moments. Les difficultés d’accès au service de santé public pour le diagnostic, le traitement, le suivi après la fin du traitement, la gestion des réactions de la MH et des effets secondaires causés par la polychémoterapie, la suspension de la recherche active et l’échec de l’accueil sont des exemples d’actions discriminatoires au niveau institutionnel. Il y a encore un manque d’attention à la réadaptation, qui conduit à l’évolution des handicaps, et au traitement psychologique.

Les cours de formation sont importants pour lutter contre ce type de stigmatisation , préparer l’équipe à reconnaître le problème et éliminer les actions et le langage discriminatoires. Les fondamentaux de la médecine humanisée doivent être encouragés, conformément à l’exigence de bonne pratique médicale.

Toutefois, la « Stratégie Mondiale Contre la maladie de Hansen 2016-2020 – Accélération Vers un Monde Sans maladie de Hansen» (5), proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé, et la stratégie nationale du Ministère de la Santé du Brésil (6), ainsi que les actions menées par Abrão Rotberg (1969) (7) et le Mouvement de réintégration des personnes touchées par la hanseníase - MORHAN - qui ont abouti à la loi 9010/1995 (8), qui traite du changement de terminologie de « Lèpre » pour « hanseniase », sont des initiatives réussies pour garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales des personnes touchées par la MH et de leurs familles. L’expérience brésilienne consistant à rebaptiser la MH a eu un impact sur la lutte contre la discrimination (9). Cependant, l’expérience individuelle de la stigmatisation reflète l’influence des croyances culturelles enracinées dans la société, et non pas seulement un changement de nom.

Enfin, la stigmatisation en tant que processus social dynamique permet d’éradiquer les actions discriminatoires autour d’un groupe une fois que le contexte qui crée une différenciation entre les individus a changé. Ce changement est encouragé par l’extension de l’accès à l’information et de l’éducation communautaire, ainsi que par des acteurs sociaux, membres de la famille et amis, y compris les professionnels, qui ouvrent les portes au diagnostic des personnes concernées.

*Certaines terminologies dérivées du nom « Hansen » ont été créées en langue française pour adapter le langage non discriminatoire causé par le terme « lèpre » et ses dérivés.
Traduction par

Mr Hugo .P .Aborghetti et Mme. Genèse F.G.ESSALI

Références

  1. Deps P. The day I changed my name – Hansen’s disease and stigma. The discovery of the Colony of Itanhenga and Hansen’s Disease. Chapter 1. 1st Ed., 2019, Édition De Boccard, Paris, 164 pgs. 2019.

  2. Dadun null, Peters RMH, Van Brakel WH, Lusli M, Damayanti R, Bunders JFG, et al. Cultural validation of a new instrument to measure leprosy-related stigma: the SARI Stigma Scale. Lepr Rev. março de 2017;88(1):23–42.

  3. Godoi AMM, Garrafa V. Leitura bioética do princípio de não discriminação e não estigmatização. Saúde E Soc. março de 2014;23(1):157–66.

  4. Hirata H. Gênero, classe e raça Interseccionalidade e consubstancialidade das relações sociais. Tempo Soc. junho de 2014;26(1):61–73.

  5. Asia RO for S-E, Organization WH. Global Leprosy Strategy 2016–2020. Accelerating towards a leprosy-free world. Monitoring and Evaluation Guide [Internet]. World Health Organization. Regional Office for South-East Asia; 2017. Disponível em: https://apps.who.int/iris/handle/10665/254907

  6. Consulta Pública no 1, Estratégia Nacional para o Enfrentamento da Hanseníase 2019-2022 [Internet]. Disponível em: https://www.saude.gov.br/acesso-a-informacao/participacao-social/45319-consulta-publica-n-1-estrategia-nacional-para-o-enfrentamento-da-hanseniase-2019-2022

  7. Rotberg A. “Hanseniasis,” the new official name for leprosy in Sao Paulo, Brazil. Dermatol Int. março de 1969;8(1):40–3.

  8. Brasil. Lei Federal no 9.010 de 29 de março de 1995. Dispõe sobre a terminologia oficial relativa à hanseníase e dá outras providências. Brasília. (DF); 1995. [Internet]. Portal da Câmara dos Deputados. Disponível em: https://www2.camara.leg.br/legin/fed/lei/1995/lei-9010-29-marco-1995-348623-publicacaooriginal-1-pl.html

  9. Deps P, Cruz A. Why we should stop using the word leprosy. Lancet Infect Dis. 1o de abril de 2020;20(4):e75–88